L'écrivain Boualem Sansal, 75 ans, est incarcéré depuis la mi-novembre pour atteinte à la sûreté de l’État. Joël SAGET / AFP.Entre Alger et Paris, les rapports continuent de se tendre. Des déclarations du président français Emmanuel Macron lundi, devant un parterre d’ambassadeurs, estimant que l’Algérie « se déshonore » en maintenant en détention l’écrivain Boualem Sansal, ont été qualifiées ce mardi d’« inacceptables » par la diplomatie algérienne, et ont soulevé un tollé dans le pays.
« Des propos du président français qui déshonorent, avant tout, celui qui a cru devoir les tenir de manière aussi désinvolte et légère. Ces propos ne peuvent être que réprouvés, rejetés et condamnés pour ce qu’ils sont, une immixtion éhontée et inacceptable dans une affaire interne algérienne », a estimé le ministère algérien des Affaires étrangères dans un communiqué.
« Ce que le président français présente indûment et faussement comme une affaire de liberté d’expression n’en est pas une au regard de la loi d’un État souverain et indépendant. Elle relève essentiellement d’une mise en cause de l’intégrité territoriale du pays, un délit punissable par la loi algérienne », a ajouté le ministère.
Lundi, Emmanuel Macron avait appelé Alger à la libération de l’écrivain. « L’Algérie que nous aimons tant et avec laquelle nous partageons tant d’enfants et tant d’histoires entre dans une histoire qui la déshonore, à empêcher un homme gravement malade de se soigner. Ce n’est pas à la hauteur de ce qu’elle est », avait-il déclaré devant les ambassadeurs français réunis à l’Élysée.
Les uns après les autres, les partis politiques algériens ont condamné des propos jugés « inacceptables » ou « irresponsables ». Pour le Front des forces socialistes (FFS, plus vieux parti d’opposition), les propos d’Emmanuel Macron sont « écœurants et inacceptables ». Sa déclaration « traduit un mépris pathologique et l’incapacité persistante de la France officielle à assumer son passé colonial et à rompre avec une attitude paternaliste et condescendante envers les nations souveraines », a écrit le FFS dans un communiqué.
« Au lieu de s’engager sur la voie de la reconnaissance pleine et entière des crimes coloniaux, la France, sous la présidence de Macron, semble être aujourd’hui l’otage des courants extrémistes anti-algériens, de surcroît racistes et islamophobes, voire pour certains nostalgiques de l’Algérie française », a ajouté le FFS.
De son côté, le Front de libération nationale (FLN, ancien parti unique) a qualifié les déclarations du chef d’État français « d’immorales », rejetant « catégoriquement toute ingérence étrangère ou tentative de donner des leçons sur les libertés et les droits de l’homme ».
Le Mouvement de la société pour la paix (MSP), principal parti islamiste, a estimé sur sa page Facebook que les propos du président français « reflètent une arrogance liée à une mentalité coloniale néfaste, loin du respect de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des États ».
Des personnalités et de nombreux internautes ont aussi dénoncé les propos d’Emmanuel Macron. Khaled Drareni, journaliste représentant de RSF pour le Maghreb, qui avait passé 11 mois de détention en Algérie entre 2020 et 2021 après avoir été arrêté pendant le mouvement prodémocratie Hirak, a écrit : « M. Le président Emmanuel Macron, on ne met jamais Algérie et déshonneur dans la même phrase ».
Pour Samir Ghezlaoui, « L’Algérie a mis un terme définitif à son déshonneur le 1er novembre 1954 ! », date du déclenchement de la guerre d’indépendance (1954-1962).
Critique du pouvoir algérien, Boualem Sansal, 75 ans, est incarcéré depuis la mi-novembre pour atteinte à la sûreté de l’État, après son interpellation à son arrivée à l’aéroport d’Alger, et se trouve dans une unité de soins depuis la mi-décembre. Selon Le Monde, le pouvoir algérien aurait mal pris des déclarations de l’écrivain au média français Frontières, réputé d’extrême droite, reprenant la position du Maroc selon laquelle le territoire du pays aurait été tronqué sous la colonisation française au profit de l’Algérie.