La mort, «je ne la crains pas. Elle a été présente tout au long de ma vie. Donc, elle ne m’effraie pas», nous confiait Jean-Marie Le Pen (ici en 2016) il y a quelques mois. Elle l'a rattrapé ce mardi 7 janvier. AFP/Joël SagetEt soudain, dans l’ambulance qui le transportait après un malaise cardiaque «jugé sérieux» par les médecins, en avril 2023, Jean-Marie Le Pen se mit… à chanter. Une manière de défier la mort qu’il aura bravée jusqu’au bout.
«Elle a été présente tout au long de ma vie. Donc, je ne la crains pas, elle ne m’effraie pas», nous confiait-il quelques jours après cet accident, en parcourant le livre de sa vie : la disparition de son père à bord d’un chalutier sous une mine allemande, quand il a 14 ans ; l’explosion de l’appartement parisien de la Villa Poirié (XVe) en novembre 1976, qui manque d’emporter toute sa famille sous les 4 kg de dynamite placés devant sa porte ; et ses nombreuses alertes de santé qui, ces dernières années, jalonnaient son quotidien.
«Je marche avec une canne, j’entends de moins en moins bien et je lis avec une loupe. Je vis, je survis. Je bouche les trous au fur et à mesure. Mais je ne suis pas encore dans la caisse en bois !», provoquait-il encore il y a quelques mois. Avant que son état ne se dégrade subitement ces dernières semaines. La mort est finalement venue le chercher dans sa 96e année.
Jean-Marie Le Pen a eu mille vies : marin-pêcheur, mineur de fond, métreur d’appartement, engagé volontaire dans le 1er régiment parachutiste (où il est embarqué pour l’Indochine, la crise de Suez et la guerre d’Algérie), également propriétaire d’une maison d’édition de disques, et puis, bien sûr, la politique.
Élu plus jeune député en 1956 à l’âge 27 ans, avant de rendre son dernier mandat soixante-trois ans plus tard, celui de parlementaire européen, en juillet 2019… à 91 ans. Une longévité inégalée. Avec au milieu de tout cela, le Front national, l’œuvre de sa vie, passé du statut de groupuscule d’extrême droite en 1972 à celui d’acteur majeur de la vie politique française qui le conduira au second tour de l’élection présidentielle en 2002.
De lui, les Français retiendront l’image d’un tribun trublion qui aura installé durablement les thèmes de l’immigration et de l’insécurité dans les campagnes électorales. «Je suis un éclaireur», se définissait le père de Marine Le Pen.
Capable, aussi, de saillies les plus ignobles pour entretenir cette image d’infréquentable : la fameuse affaire «du détail» sur les chambres à gaz en 1987, son amitié plusieurs fois réitérée pour le maréchal Pétain, l’occupation allemande qu’il ne juge «pas si inhumaine» en 2005, les malades du sida qu’il avait qualifié des années auparavant de «sidaïques», «Durafour crématoire», la «fournée» de Patrick Bruel, ou encore «Mgr Ebola» en 2014 pour régler le problème démographique en Afrique.
Jean-Marie Le Pen n’a pourtant jamais exprimé le moindre remord : «La notion de dérapage me répugne. Je suis un homme libre. Pas de rédemption, ni d’autocensure. C’est trop fatigant», nous glissa-t-il aux dernières années de sa vie, et d’ajouter : «Si j’ai choqué, ça n’a jamais été un problème pour moi, mais pour les autres. Je ne demande pas à être aimé.» La provocation, jusqu’au bout.
En fin de compte, Jean-Marie Le Pen restera dans l'histoire comme une figure politique controversée qui a marqué la scène politique française de manière indélébile. Sa vie tumultueuse et ses prises de position radicales continueront à susciter des débats et des réflexions sur son héritage politique.