Le vidéo viral avait suscité une indignation. Une colère minime, mais qui renfermait une vérité. Dans le reel, on demandait à une jeune femme quelle avait été sa pire rendez-vous. Sa réponse ne se fit pas attendre : "J'ai commandé une caña et lui, un Cacaolat". Mon ami, qui avait vécu mille rendez-vous après sa rupture, défendait son droit à commander ce qu'il voulait.
Pour lui, un café, de l'eau ou même un Cacaolat étaient des choix valables. Pourtant, je ne pouvais pas être plus en désaccord. Je ne me souviens pas d'avoir bu autre chose que du vin ou de la bière lors des premiers rencontres. Une fois, il y a eu un negroni... Mais ce n'est pas tant l'alcool qui compte, c'est la symbolique qui l'accompagne.
Roland Barthes, dans ses Mitologies, évoque le vin comme une ostentation d'un plaisir. Il écrit que "la coupe fonde un décor" qui embellit de petits rituels. Comment ne pas espérer que notre partenaire désire une boisson qui parle de célébration et de légèreté ?
Au début, nous tentons de lire toutes les signaux de l'autre. Chaque message, chaque choix de lieu ou de boisson devient une interprétation. La coupe de vin et la caña arrivent avec leur bruit et leur chaleur, des présages favorables. Si nous sommes un peu insegurs, tout le reste devient un mauvais augure.
Je me souviens d'une fois où le garçon qui me plaisait avait commandé un thé vert. C'était l'incertitude, semblable à celle de la protagoniste de "La séduction" de Sara Torres. Pour elle, un dîner sans vin n'était pas un bon signe. "C'était la première soirée, et il n'a même pas proposé d'autre chose que de l'eau", écrit-elle.
L'alcool joue également d'autres rôles. Alicia Dorey, dans "Elogio de la ebriedad", explique qu'il aide à "dompter la peur" et à fluidifier le langage. C'est paradoxal, car nous voulons montrer notre meilleure face tout en cherchant un état de transparence totale.
Je pense alors à la première rencontre d'Annie Hall. Leur conversation intense cachait des inquiétudes internes. Que se serait-il passé si Annie n'avait pas offert ce vin ?
Avec le temps, nous apprenons que nous ne lisons pas toujours bien les signaux. Le garçon qui avait commandé un thé finit par demander une caña. La femme du dîner désirait réellement la protagoniste de "La séduction".