La proposition de doter la marine canadienne de brise-glaces militarisés suscite un sentiment de déjà-vu au sein de la communauté de la défense. Les Libéraux et les Conservateurs s'engagent à construire ces navires, mais les experts se demandent ce que le gouvernement espère vraiment réaliser.
Des experts en défense, dont un ancien commandant naval, s'interrogent sur la pertinence de construire des brise-glaces de 10 000 tonnes ou plus, armés de canons et de missiles. Ils soulignent que ces navires pourraient avoir une utilité limitée et seraient vulnérables aux attaques aériennes et sous-marines.
Le vice-amiral à la retraite Mark Norman a exprimé son incompréhension quant aux objectifs de cette initiative. Selon lui, le gouvernement semble plus intéressé par la démonstration de souveraineté dans l'Arctique que par des considérations pratiques.
Lors de la récente campagne électorale fédérale, les Libéraux ont promis d'« étendre les capacités de la marine avec de nouveaux sous-marins et brise-glaces lourds ». Les Conservateurs, quant à eux, ont été plus explicites en promettant deux brise-glaces supplémentaires pour l'armée.
Cette promesse n'est pas nouvelle. En 2006, le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait déjà fait une promesse similaire, mais les coûts élevés et l'utilisation limitée des navires avaient conduit à la conception de navires de patrouille légers.
Le coût de construction élevé et le fait que ces navires ne seraient utiles que quatre mois par an ont conduit à la conception de navires de patrouille arctique, qui peuvent opérer sur les côtes canadiennes. La marine prévoit de déployer six de ces navires, tandis que la garde côtière en recevra deux.
Norman souligne qu'il est important d'établir une division claire des responsabilités entre la marine et la garde côtière. Il s'inquiète que la focalisation sur l'achat de nouveaux navires puisse détourner l'attention des véritables objectifs de défense.
Pour Rob Huebert, expert en défense, investir dans des sous-marins capables de naviguer sous la glace serait plus judicieux. Il affirme que, en cas de conflit, la position des brise-glaces serait rapidement révélée, rendant leur efficacité douteuse.
Wesley Wark, expert en renseignement, insiste sur le fait que l'approche du Canada envers l'Arctique doit être fondée sur des considérations de défense, plutôt que sur des pressions extérieures. Il met en garde contre une réponse à un plan maître inexistant.
Malgré les critiques, certains affirment que la présence canadienne dans le Nord est essentielle. Dave Perry, président de l'Institut canadien des affaires mondiales, soutient qu'il est crucial d'avoir une présence significative dans l'archipel arctique pour comprendre les dynamiques de la région.
Il conclut que peu importe la couleur des navires, tant qu'ils peuvent augmenter notre présence tout au long de l'année dans notre territoire.
La question des brise-glaces militarisés pour la marine canadienne soulève de nombreux débats. Alors que certains voient cela comme une nécessité, d'autres remettent en question la practicalité et les objectifs réels de cette initiative. La discussion sur la défense de l'Arctique continue d'être un sujet crucial pour le Canada.