«La vérité réelle n'existe pas, seule la vérité juridique compte». Tessa Ensler, avocate réputée, est bien consciente de cette réalité. Elle est sollicitée par des agresseurs sexuels pour les défendre au tribunal. Sa réputation repose sur sa capacité à interroger les victimes et à déceler les incohérences dans leurs témoignages.
Tessa est la protagoniste de la pièce Prima Facie, écrite par Suzie Miller. Cette œuvre aborde le thème du consentement sexuel et a été jouée à Sydney, Londres et New York. En Espagne, elle a été mise en scène par Vicky Luengo. La pièce est maintenant publiée en roman par l'éditeur Seix Barral, coïncidant avec le procès de Luis Rubiales.
Dans une interview, Miller souligne : « Pourquoi les femmes doivent-elles se protéger du désir masculin? Ce sont les hommes qui doivent se contrôler ». Elle évoque également son expérience d'ancienne avocate, soulignant que la loi favorise souvent les hommes dans les affaires de viol.
Miller déplore que « le système légal a été conçu par des générations d'hommes, généralement blancs et privilégiés ». Cela rend difficile la preuve de la vérité des femmes victimes de viol. Tessa, avant de devenir victime, disait à une stagiaire : « Prover. Prover. Si l'histoire a des trous, on les signale. La loi est là pour nous protéger tous ». Mais cette perspective change après son agression.
En tant qu'avocate, Tessa sait comment interroger une victime. Elle se demande : « Vous vous êtes presque déshabillée, n'est-ce pas ? ». Cette attitude souligne la difficulté de prouver le consentement dans un contexte où la vérité est souvent mise en doute.
Miller affirme : « Peu importe quelle est la vérité, l'important est ce qui peut être prouvé au tribunal ». Elle note que les femmes sont souvent plus enclines à croire les hommes. « Ma mère et ma grand-mère ont grandi dans un monde où les femmes 'mauvaises' étaient violées », explique-t-elle. Cela traduit une stigmatisation qui persiste encore aujourd'hui.
Pour Miller, la société doit changer. Elle souligne qu'« en cette époque où les femmes ont de l'autonomie sur leur sexualité, il n'y a aucune raison de mentir sur une agression sexuelle ». Elle met en lumière des cas récents, comme celui de Rubiales, pour illustrer cette problématique.
Miller aborde également le mythe selon lequel les femmes qui ont dit « oui » ne peuvent pas être violées. Elle affirme que le changement d'opinion est difficile pour les hommes, qui ont longtemps cru que les femmes étaient responsables de leur propre sécurité. « Quand une femme révèle qu'elle a été violée, la première question est souvent : 'Pourquoi étais-tu avec lui ?' », déplore-t-elle.
Elle insiste sur le fait que « peu importe la tenue, l'alcool ou les paroles. Quand on dit stop, il n'y a pas de consentement ». Cela inclut même le cadre du mariage, où le consentement est souvent mal interprété.
Le livre de Miller, dédié à « toutes les femmes qui sont une sur trois », appelle à une réflexion collective. Ce n'est pas seulement une question de lois, mais de changement social. « Une sur trois, c'est beaucoup de femmes avec des choses à dire. Trop pour les ignorer », conclut-elle. Ce message puissant résonne dans notre société actuelle.