Retourner sur la Lune après cinquante ans, puis vers Mars, implique de réinventer la roue. En effet, Mars est très éloigné et une crevaison pourrait poser de gros problèmes. Florent Menegaux, PDG de Michelin, insiste : « Une chose que vous ne pouvez pas avoir, c'est une crevaison. »
Les conditions difficiles sur Mars ont été mises en évidence par le rover Curiosity. Un an après son atterrissage en 2012, ses six pneus en aluminium rigide étaient déjà visiblement endommagés par des crevaisons et des déchirures.
Les missions Artemis des États-Unis visent à ramener des astronautes sur la Lune, possiblement d'ici 2027. Les futures missions prévoient d'utiliser un rover lunaire pour explorer le pôle sud de la Lune, avec Artemis V, prévu pour 2030. Les astronautes d'Artemis parcourront des distances beaucoup plus longues que ceux des missions Apollo, qui n'ont jamais dépassé 40 km.
« L'objectif est de couvrir 10 000 kilomètres en 10 ans », déclare Sylvain Barthet, responsable du programme de roues sans air de Michelin. Dr Santo Padula, ingénieur à la NASA, souligne que l'utilisation des roues doit être durable sur plusieurs décennies, et non pas sur de courtes périodes.
Un grand défi pour le développement de technologies lunaires est la variabilité extrême des températures. Aux pôles lunaires, les températures peuvent descendre en dessous de -230°C, ce qui complique la conception des pneus. Dr Padula explique que sans mouvement atomique, il devient difficile pour les matériaux de se déformer et de revenir à leur forme d'origine.
Les pneus doivent pouvoir se déformer en passant sur des rochers, puis revenir à leur forme initiale. « Si nous déformons définitivement un pneu, il ne roule pas efficacement, et cela entraîne des pertes d'énergie », ajoute Dr Padula.
Les rovers lunaires d'Apollo utilisaient des pneus en fil de fer piano recouvert de zinc, avec une portée d'environ 34 km. Les températures extrêmes et les rayons cosmiques endommagent le caoutchouc, ce qui pousse les ingénieurs à envisager des alliages métalliques et des plastiques haute performance pour les pneus sans air.
Pietro Baglion, responsable de la mission Rosalind Franklin de l'ESA, souligne que des matériaux comme le nitinol, un alliage de nickel et de titane, pourraient révolutionner la conception des pneus. Ce matériau flexible peut se déformer et revenir à sa forme d'origine, offrant ainsi des propriétés uniques.
Bridgestone adopte une approche biomimétique en s'inspirant des pattes de chameau. Ces pattes, avec leur surface large et molle, dispersent le poids et empêchent les animaux de s'enfoncer dans le sol meuble. Bridgestone utilise un matériau feutré pour sa bande de roulement, tandis que la roue est composée de rayons métalliques flexibles.
Michelin et Bridgestone font partie de consortiums qui présentent leur technologie de pneus à la NASA. Pendant ce temps, Michelin teste ses pneus sur un volcan près de Clermont, dont le terrain poudreux ressemble à celui de la Lune. Bridgestone effectue des tests similaires dans les dunes de Tottori au Japon.
Les défis liés à la conception de pneus pour les missions lunaires et martiennes sont considérables. Les entreprises comme Michelin et Bridgestone travaillent sur des solutions innovantes qui pourraient transformer la façon dont nous explorons ces corps célestes. Les avancées réalisées pourraient également avoir des applications pratiques sur Terre, rendant ces recherches encore plus pertinentes.