Les récentes protestations en Turquie, déclenchées par l'arrestation de l'alcalde d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, le 19 mars, secouent le pays depuis plusieurs semaines. Ce mouvement soulève des questions sur l'avenir du président turc, Recep Tayyip Erdogan, après 22 ans à la tête d'un régime de plus en plus autoritaire.
Le régime d'Erdogan semble fort sur le plan géopolitique, mais la question demeure : peut-il se permettre de réprimer son principal rival politique ? La chute inattendue du régime de Bashar Assad en Syrie en décembre 2024 a surpris la communauté internationale. Les gouvernements avaient commencé à normaliser leurs relations avec Assad, malgré son rôle dans la mort de centaines de milliers de civils.
En mai 2023, la Syrie a été réadmise dans la Ligues des États Arabes. La position de la Turquie, qui soutient Hayat Tahrir al Sham (HTS), a été décisive. Le chef des services secrets turcs, Ibrahim Kalin, a été vu priant à Damas trois jours après le départ d'Assad, marquant un tournant significatif dans la région.
La montée en puissance de la Turquie en Syrie reflète l'ambition néo-impérialiste d'Erdogan. Le modèle islamiste turc a connu un regain d'importance, notamment avec le soutien des Frères Musulmans, qui avaient été expulsés du pouvoir dans plusieurs pays après les révoltes arabes. Ironiquement, la guerre à Gaza a revitalisé leur influence.
La brutalité de la contre-offensive israélienne a eu des répercussions sur la région, facilitant la victoire du HTS. Ce contexte a également modifié les dynamiques entre les pays arabes, rendant des nations comme l'Égypte et l'Arabie Saoudite moins enclines à s'opposer à l'islamisme turc.
Face à ces événements, Erdogan a intensifié sa répression contre l'opposition politique. Les manifestations se multiplient, avec environ 2 000 arrestations. Ce mouvement représente le plus grand défi auquel Erdogan fait face depuis les protestations du Parc Gezi en 2013, qui avaient duré trois mois.
Les tensions internes sont exacerbées par des problèmes économiques sévères. La détention de l'alcalde d'Istanbul a entraîné une forte dépréciation de la lira turque, poussant le Banque Central à vendre des réserves pour stabiliser la monnaie.
Malgré des efforts pour réformer l'économie, la situation reste fragile. L'inflation a atteint des niveaux alarmants, et la confiance des investisseurs est relative. Erdogan a récemment nommé des économistes respectés à des postes clés, espérant redresser l'économie. Cependant, des défis majeurs subsistent.
Les taux d'intérêt ont considérablement augmenté, et bien que l'inflation ait diminué, la confiance économique est encore faible. Les efforts pour stabiliser l'économie sont compliqués par une population qui a perdu beaucoup de pouvoir d'achat.
La chute du régime d'Assad a redéfini la position de la Turquie dans la région, offrant un soutien temporaire à Erdogan face aux protestations internes. Toutefois, à long terme, les défis économiques pourraient miner cette position. La Turquie doit naviguer entre ses ambitions géopolitiques et la réalité de sa situation économique fragile.