
Carolina Yuste et Afioco Gnecco se tiennent devant La femme barbue, une œuvre de José de Ribera datant de 1631. Ils se demandent : "Est-ce que quelqu'un l'a vraiment aimé ?". Ainsi commence Este cuerpo mío, un film qui se veut avant tout un embrassement entre amis, un voyage de transformation.
Ce film raconte le parcours de Rafaela à Afioco, de la fille que les documents désignaient à sa naissance, au cinéaste non binaire de 40 ans qu'il est devenu. C'est un voyage rempli de doutes, de regards réprobateurs et de traitements hormonaux, mais aussi d'innombrables embrassades.
Ce parcours est à la fois dur et joyeux, à travers la vie et le cinéma, un art qui remet en question les certitudes établies. Le film se présente comme un documentaire, une road-movie, et un peu de mélodrame, tout en restant un embrassement au-dessus de tout.
Afioco déclare : "Nous avons fait le film que j'aurais aimé voir quand j'étais adolescente." Il souligne que la représentation de la transexualité masculine est rare. Il souhaite raconter une histoire de bonheur, d'amour et de soutien à travers le regard d'une amie.
Carolina Yuste, coprotagoniste et co-réalisatrice, partage cette vision. Elle affirme que l'invisibilité subie par les femmes est également ressentie par les hommes trans. Elle ajoute : "La pellicule veut aller plus loin en abordant les oppressions liées au genre et en donnant une voix aux masculinités trans."
Le film se déroule dans un espace privé, où la confession et le murmure précèdent le cri. Afioco, né au Chili, retourne chez sa famille, tandis que Carolina l'accompagne dans des moments difficiles. Ils se battent pour changer son nom et se souviennent des défis rencontrés avec le système médical.
Leurs interactions devant la caméra brisent les hiérarchies. Afioco, en tant que réalisateur, se met en scène, tandis que Carolina, ancienne actrice, prend les rênes de la direction. Leur collaboration est un acte de solidarité et d'empathie.
Afioco souligne que les lois existent, mais leur application est souvent défaillante. Les institutions ne sont pas toujours formées pour comprendre les réalités des personnes trans. Carolina partage son sentiment que les institutions sont en retard par rapport à la société.
Elle observe que, dans certains endroits, l'utilisation du genre neutre devient courante. Cela représente un changement positif, surtout parmi les jeunes qui vivent leur identité sans difficulté.
Carolina aborde le rôle du langage, affirmant qu'il peut être une forme de violence, mais aussi de transformation. Elle souligne que le langage doit évoluer pour représenter de nouvelles réalités. Elle se sent désormais à l'aise avec des termes neutres, préférant même "guape" à "guapa".
Afioco ajoute que respecter les pronoms des autres est un simple acte d'empathie. Cela soulève des questions sur la violence gratuite et la nécessité de comprendre les désirs des autres.
En fin de compte, Este cuerpo mío n'est pas seulement un film, mais un manifeste pour la déconstruction des normes de genre. Carolina conclut en évoquant l'importance de repenser ce que signifie être un homme ou une femme. La question résonne : "Est-ce que quelqu'un l'a vraiment aimé ?", amenant le spectateur à réfléchir sur la nature de l'amour et de l'identité.