Le cinéaste Marcel Ophüls, une figure emblématique du cinéma documentaire du XXe siècle, est décédé ce samedi à l'âge de 97 ans. Reconnu pour son regard incisif sur les événements les plus sombres de l'histoire contemporaine, il a gagné une renommée internationale avec son film La tristesse et la pitié, un portrait marquant de la France de Vichy, qui a été interdit à la télévision publique française pendant une décennie.
Sorti en 1971, La tristesse et la pitié a choqué le public en remettant en question le récit héroïque de la résistance française durant l'occupation nazie. Situé à Clermont-Ferrand, ce documentaire a déconstruit des mythes nationaux à travers des interviews directes, des images d'archives et un montage audacieux.
Fils du célèbre cinéaste Max Ophüls, Marcel est né Hans Marcel Oppenheimer à Francfort le 1er novembre 1927. Sa famille a fui le nazisme en 1933, s'installant en France avant de se réfugier aux États-Unis en 1941. Après avoir été formé comme soldat au Japon, il est revenu à Paris en 1950.
Il a débuté sa carrière en tant qu'assistant de direction sur le dernier film de son père, Lola Montès (1955), avant de réaliser plusieurs fictions. Cependant, c'est avec le cinéma documentaire qu'il a trouvé sa véritable voix, développant un style personnel, incisif et profondément humain.
Ophüls a renouvelé le langage du documentaire, intégrant des interviews pénétrantes et des montages complexes, où les références musicales et cinématographiques apportaient une dimension émotionnelle. Le Holocauste a été une obsession dans son œuvre, qu'il abordait sans généralisation, affirmant :
"Je ne crois pas à la culpabilité collective."
Pour lui, le documentaire était un antidote contre le faux respect des commémorations. En 1989, il a remporté l'Oscar du meilleur documentaire avec Hotel Terminus, un film sur Klaus Barbie, considéré comme l'une de ses œuvres majeures.
Grâce à sa maîtrise du français, de l'allemand et de l'anglais, Ophüls a interviewé des figures clés du XXe siècle, comme l'architecte nazi Albert Speer. Après un revers commercial avec Veillées d'armes, il s'est retiré pendant plusieurs années avant de revenir en 2013 avec Un voyageur, un film intime mêlant images d'archives et souvenirs de jeunesse.
À sa mort, Marcel Ophüls travaillait sur un nouveau projet, presque achevé, abordant l'ascension de l'extrême droite en Europe et aux États-Unis. Ce film explorait la réalité de l'occupation des territoires palestiniens et les liens possibles avec le renouveau de l'antisémitisme en Europe.
Marcel Ophüls laisse derrière lui un héritage cinématographique puissant, marquant l'histoire du documentaire par son engagement et sa vision critique. Son œuvre continue d'inspirer et de questionner les récits historiques, rappelant l'importance de la mémoire et de la vérité.