Il est possible de croire en les incentives et en l'importance extraordinaire du secteur privé dans l'économie sans négliger le secteur public. Les États-Unis, symbole de l'entrepreneuriat individuel et de l'innovation capitaliste, ont lancé un expérience économique qui s'est révélée plus destructrice que courageuse.
Le secteur public n'a pas seulement été réduit : il a été souligné depuis sa base historique et rationnelle. Dans ce processus, des éléments essentiels au succès du secteur privé, comme la liberté d'opinion, ont été menacés. Le lien entre le public et le privé est similaire à celui entre la responsabilité et l'engagement dans les relations personnelles.
La responsabilité implique d'assumer des devoirs et des conséquences ; l'engagement nécessite une loyauté active. Séparer ces éléments affaiblit le lien. De même, le tissu institutionnel nécessite un soutien public pour prospérer. Le Département de l'Efficacité Gouvernementale (DOGE) a promis de rationaliser les dépenses fédérales, mais a en réalité cherché à éradiquer des structures publiques.
Les premières cibles ont inclus des institutions comme la National Public Radio (NPR) et la National Endowment for the Arts (NEA), cruciales pour la vie démocratique et culturelle du pays. En mai 2025, une ordre exécutif a coupé le financement fédéral à NPR et PBS, en invoquant un présumé biais idéologique. Cette décision a été contestée par NPR et plusieurs stations locales, qui ont argué qu'elle violait la Première Amendement.
Le DOGE a coordonné le démantèlement opérationnel, entraînant des licenciements et des réductions de programmation. Bien que les chiffres officiels sur l'impact économique de ces coupes soient absents, le rôle de NPR dans l'économie locale et la création d'emplois est bien documenté.
Le vide informationnel a rapidement été comblé par des plateformes algorithmiques où prolifèrent des théories conspirationnistes. La RAND Corporation a étudié ce phénomène, soulignant comment la dégradation de la vérité a érodé le discours civil et causé une paralysie politique. L'érosion de l'espace public ne se limite pas aux médias.
Dans des institutions privées de prestige comme Harvard, des initiatives ont émergé pour restreindre le droit à la dissidence. Ce déclin du débat public, qu'il soit causé par des algorithmes ou par une censure académique, révèle une crise plus profonde. Lorsque les espaces où la vérité peut être discutée librement sont attaqués, la citoyenneté est désactivée.
Le gouvernement a même proposé d'éliminer complètement la NEA du budget fédéral de 2026. Le DOGE a annulé des centaines de subventions. En Caroline du Nord, le secteur culturel à but non lucratif a généré 2,230 milliards de dollars d'impact économique, soutenant près de 38,000 emplois.
À l'échelle nationale, les industries culturelles ont contribué à 1,2 billion de dollars au PIB en 2023, représentant 4,2 % de l'économie américaine. Dans le secteur de l'énergie et du transport, des paradoxes apparaissent, comme au Texas, où la privatisation de la réseau électrique a conduit à un effondrement coûteux.
Silicon Valley, symbole de l'initiative privée, a été initialement soutenu par des fonds publics. Des innovations comme le GPS et Internet ont été développées grâce à des investissements étatiques. Comme l’a rappelé l'économiste Mariana Mazzucato, même l'iPhone intègre des technologies financées par l'État. L'État n'est pas l'ennemi du marché, mais son incubateur silencieux.
Réduire le secteur public ne diminue pas seulement les services ; cela érode les bases de la compétitivité à long terme. Dans le domaine de la santé, le modèle américain a été un exemple radical de privatisation, entraînant des conséquences humaines désastreuses.
Le récit de la réduction du secteur public s'effrite. Le DOGE n'a pas réduit un État hypertrophié, mais a amputé des outils collectifs sans offrir d'alternatives. L'économie, même la plus libérale, nécessite des structures publiques pour garantir des droits et stabiliser le marché. Sans ces bases, le secteur privé ne peut fonctionner correctement. Le démantèlement n'a pas apporté d'économies, mais a déplacé les coûts vers les ménages et les générations futures. Le public n'est pas un luxe, mais un fondement.