La fille de Dawit Isaak, Betlehem Isaak, était présente à Genève cette semaine pour le Sommet annuel sur les droits de l’homme et la démocratie. Elle lance un appel urgent pour que la communauté internationale « se réveille » face aux violations des droits humains en Érythrée. Son père, journaliste, est détenu en secret depuis 23 ans.
Betlehem, réfugiée en Suède, a partagé son histoire avec l’AFP. Pour elle, son père est devenu un symbole de la brutalité en Érythrée, un pays sous le régime d'Isaias Afwerki depuis plus de trois décennies. Dawit Isaak n’a jamais été inculpé et a été maintenu au secret presque tout le temps depuis son arrestation en septembre 2001.
« Tout cela pour le simple crime d’être journaliste », souligne Betlehem. Son père a été victime d’une purge orchestrée par le président Afwerki, qui a également touché d’autres journalistes et parlementaires. Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion, et Reporters sans frontières le classe parmi les journalistes les plus longtemps emprisonnés au monde.
Âgé aujourd'hui de 60 ans, Dawit Isaak avait fui en Suède en 1987. Il est retourné en Érythrée en 2001, où il a cofondé Setit, le premier journal indépendant du pays. Ce journal a couvert les critiques du président et a appelé à des élections.
Betlehem se souvient de l’arrestation de son père alors qu’elle n’avait que sept ans. « Ils ont pris le petit-déjeuner avec nous, puis ils ont dit : Nous devons partir. » Les hommes ont menotté son père et sont partis. Quand leur mère a cherché à le retrouver, on lui a dit : « Il n’existe pas. Vous devez être folle. »
La famille a pu lui rendre visite quelques fois. Lors de la dernière visite, Betlehem se souvient que son père avait été torturé. « Il avait du mal à marcher », dit-elle. Il a conseillé à sa mère de partir avec les enfants, ce qu'ils ont fait.
Depuis, la famille vit en Suède sans nouvelles de Dawit. Betlehem n’a eu de contact avec lui qu’une brève journée en 2005. Sa sœur, Danait, n’a aucun souvenir de leur père avant son arrestation. Elle se rappelle cependant de sa voix lors de cet appel : « Je suis libre ! Je rentre à la maison », a-t-il dit.
Depuis cette libération, la famille n’a eu aucune nouvelle de lui. « Ils disent qu’il est vivant, mais nous n’avons aucune preuve », affirme Betlehem. Selon une source crédible, son père était toujours en vie en septembre 2020. L’incertitude demeure la plus grande épreuve pour sa famille : « Nous vivons dans l’incertitude. Vous ne savez pas quoi croire. »
Le témoignage de Betlehem Isaak met en lumière la situation dramatique des droits humains en Érythrée. Son appel à la communauté internationale souligne l’urgence d’agir pour la libération de son père et des autres prisonniers d’opinion. La lutte pour la justice et la vérité continue, malgré les années de silence et d’incertitude.