Lorsque Albert Rivera a annoncé sa démission en tant que président de Ciudadanos après l'échec de son parti lors des élections générales de 2019, il a souligné que « le centre politique existe ». Cinq ans plus tard, les libéraux européens cherchent à reconstruire cet espace idéologique en vue des prochaines élections. Mais, peut-on vraiment envisager une nouvelle formation centriste en Espagne ?
Javier Martín Merchán, professeur de Science Politique, affirme qu'il n'y a pas de place pour un parti de centre. Selon lui, il n'existe ni un électorat centrisme ni un parti capable de créer une identité centriste. L'histoire des échecs des projets centristes en Espagne, de la dissolution de l'UCD à la chute de Ciudadanos, démontre cette inviabilité chronique.
Les tentatives passées, comme celles du CDS ou du PRD, ont échoué face à des partis dominants comme le PSOE et le PP. Ces géants ont occupé l'espace politique, rendant difficile l'émergence d'une alternative centriste. Les électeurs qui pourraient se définir comme centristes se tournent souvent vers les options moins mauvaises, comme le PP, pour contrer le PSOE.
La polarisation politique actuelle en Espagne, exacerbée par des affaires de corruption et un blocage législatif, complique la situation. Ramón González Férriz, journaliste, souligne que, bien que le centre politique existe, il devient de plus en plus difficile d'attirer les électeurs. Les classes moyennes, traditionnellement modérées, ne le sont plus forcément, ce qui rend le centre moins attrayant électoralement.
Les thèmes de l’efficacité gouvernementale et des bonnes pratiques, portés par le centre, ne séduisent pas les électeurs aux positions extrêmes. En effet, des partis comme ceux de la droite radicale créent des divisions, rendant la tâche encore plus complexe pour un parti centriste.
Martín Merchán explique qu'un parti doit mobiliser et créer une connexion avec l'identité des électeurs pour réussir. Un parti centriste, en revanche, peine à le faire car son espace est déjà occupé. Les expériences passées, comme celles de Ciudadanos, montrent que ces partis ont souvent fini par se rallier à la droite, diluant ainsi leur message d'origine.
Le cas de UPyD illustre également ce phénomène : fondé par Rosa Díez, il a eu du mal à s'ancrer dans l'esprit des électeurs en raison de son alignement avec la droite sur certaines questions. Ce manque de clarté a conduit à sa décomposition.
Après la débâcle de 2019, Ciudadanos a perdu sa représentation nationale. La question se pose alors : une nouvelle liste centriste a-t-elle un sens ? Martín Merchán suggère qu'elle pourrait exister si elle s'engage à soutenir le PP ou le PSOE pour assurer la stabilité du pays. Cela nécessiterait un changement radical par rapport à la seconde phase de Ciudadanos.
González Férriz, quant à lui, reste sceptique quant à la réussite électorale d'un tel parti. Il souligne qu'il doit accepter sa position d'arbitre, ce qui serait un défi majeur. La viabilité d'un parti centriste dépendra de sa capacité à naviguer dans un paysage politique de plus en plus polarisé.
En résumé, la situation des partis centristes en Espagne est complexe. Malgré des tentatives passées, l'espace politique est dominé par des géants comme le PSOE et le PP. La polarisation actuelle rend difficile l'émergence d'une alternative centriste. L'avenir d'un nouveau parti de centre dépendra de sa capacité à s'adapter et à répondre aux besoins d'un électorat en quête de stabilité.