Juan Manuel de Prada, écrivain originaire de Baracaldo, se retrouve au Café Varela, entouré de désillusions mais avec un air enfantin derrière ses lunettes. Il est en tournée pour son nouveau roman, Mil yeux esconde la nuit, qui fait écho à son œuvre précédente, Las máscaras del héroe. Ce roman, riche de 1 600 pages, plonge le lecteur dans le Paris de la Seconde Guerre mondiale, entre 1940 et 1944.
Dans Mil yeux esconde la nuit, De Prada met en scène un personnage principal, Fernando Navales, un falangiste aux traits complexes. Ce roman recapture l'essence de son premier livre tout en l'installant dans un contexte historique riche, peuplé de personnages réels tels que Picasso et des figures moins connues de l'époque.
Chaque personnage apporte son propre bagage de souffrance et de résilience, révélant les défis de vivre sous l'occupation nazie. De Prada utilise ces figures historiques pour explorer les thèmes de la survie et de l'identité dans un monde en guerre.
Ce retour à l'univers de Las máscaras del héroe n'est pas simplement une stratégie, mais une exploration de la tristesse et du fracas de l'histoire. De Prada s'intéresse à l'arrière-plan littéraire et artistique, soulignant que le canon est souvent un montage qui ignore les voix marginalisées.
Il souligne l'importance de comprendre les tendances esthétiques et le climat culturel de l'époque, souvent révélés par ceux qui ont été mis à l'écart de l'histoire officielle.
Écrire sur la Guerre Civile à travers le prisme de Navales est un défi, car cela implique de naviguer dans un contexte de répression et de silence. De Prada choisit de se concentrer sur Paris, où la vie culturelle était riche mais également marquée par la peur et la collaboration.
Il évoque les archives qu'il a consultées, révélant des aspects cachés de la vie des artistes espagnols en exil. Ces découvertes jettent une lumière nouvelle sur leurs luttes et leurs choix, souvent difficiles, durant cette période troublée.
De Prada aborde des personnages controversés comme César González-Ruano, dont la mythologie personnelle est remplie de zones d'ombre. Il critique la tendance à glorifier des figures historiques sans tenir compte de leurs actions douteuses.
Il met également en lumière Carles Fontseré, un artiste catalan qui a collaboré avec des nazis, soulignant que ces choix étaient souvent dictés par la nécessité de survivre dans un monde hostile.
En discutant de la correction politique et des pressions idéologiques, De Prada exprime son inquiétude face à la censure qui pèse sur l'expression artistique. Il plaide pour un dialogue au sein des mouvements sociaux pour éviter de restreindre la créativité.
Il rappelle que la littérature, même dans des temps sombres, doit conserver sa capacité à questionner et à critiquer, sans craindre les répercussions.
Avec Mil yeux esconde la nuit, Juan Manuel de Prada nous invite à réfléchir sur le passé et ses résonances dans le présent. Son œuvre est un appel à la compréhension et à la réflexion, tout en naviguant habilement entre l'histoire et la fiction. Ce roman, riche et complexe, nous pousse à interroger les notions de dignité et de responsabilité dans des temps troublés.