La construction est en plein essor dans la capitale somalienne, Mogadishu. Alors que la ville se relève de son passé violent, des opportunités inattendues se présentent à des femmes comme Fathi Mohamed Abdi et Saadia Ahmed Omar. Ces deux ingénieures supervisent la construction d'un complexe d'appartements de dix étages dans le quartier Hodan.
Âgée de 24 ans, Mme Abdi, directrice des opérations d'Arkan Engineering Services, une entreprise de construction somalienne, se souvient des doutes qu'elle a rencontrés. "Quand j'ai commencé, les gens se demandaient comment ils pouvaient faire confiance à une femme pour construire une maison", explique-t-elle. Sa collègue, Mme Omar, partage ce sentiment : "Mogadishu a besoin de nous", dit-elle. "Nous sommes ici pour participer à sa reconstruction."
Malgré leur passion, les deux femmes font face à des défis importants. En effet, seulement 5 % des ingénieurs en Somalie sont des femmes. "Quand j'ai postulé pour des stages, la plupart des entreprises m'ont rejetée", se souvient Mme Omar. "On ne pensait pas qu'une femme pouvait gérer les exigences physiques de l'ingénierie." Après trois mois de recherche, elle a finalement obtenu une chance.
Aujourd'hui, elles sont reconnues dans leur domaine, ayant supervisé plus de 30 projets multimillionnaires. "Le paysage de la ville a changé", déclare Mme Abdi avec fierté. "Nous avons des bâtiments plus hauts et une infrastructure moderne, un contraste frappant avec le Mogadishu d'autrefois."
Au cours des cinq dernières années, plus de 6 000 bâtiments ont été construits à Mogadishu. Selon Ibrahim Abdi Heyle, président de l'Association des ingénieurs somaliens, la demande croissante de professionnels qualifiés entraîne des changements dans la société traditionnellement dominée par les hommes. "Nous encourageons activement la participation des femmes", affirme-t-il.
Cette transformation est également due à des investissements de la diaspora et à une sécurité améliorée. Cependant, des préoccupations subsistent concernant la qualité des constructions. Des architectes comme Siidow Cabdulle Boolaay soulignent que "le sable utilisé dans les bâtiments est salé", ce qui compromet leur durabilité.
Christophe Hodder, conseiller en sécurité climatique, met en garde contre les conséquences environnementales de cette croissance rapide. "Chaque nouveau bâtiment creuse son propre forage", dit-il, soulignant le risque d'une crise de l'eau à l'avenir. Le gouvernement travaille sur un nouveau système d'égouts, mais sa mise en œuvre pourrait nécessiter la démolition de bâtiments existants.
La densité de population à Mogadishu, exacerbée par la sécheresse et les conflits, pose également des défis. Une augmentation de la population urbaine pourrait accroître la pauvreté et les disparités sociales. Malgré ces défis, l'avenir de Mogadishu semble prometteur.
Les ingénieurs espèrent que Mogadishu deviendra une ville moderne, un modèle de reconstruction post-conflit. "Nous prouvons que les femmes peuvent non seulement concevoir des bâtiments, mais aussi diriger des projets", déclare Mme Abdi. "Quand je marche dans les rues et que je vois des bâtiments que j'ai aidé à construire, je me sens fière."
Ensemble, elles travaillent à façonner l'avenir de leur ville, apportant des perspectives nouvelles et innovantes à l'industrie. "Il y a de l'espoir", conclut Mme Omar. "Nous reconstruisons non seulement des structures, mais aussi des rêves."