La lutte contre le changement climatique prend une nouvelle dimension dans le secteur aérien. Les avions, grâce à des technologies innovantes, peuvent désormais contourner les zones propices à la formation de traînées de condensation. Ces traînées, tout comme le CO2, ont un impact néfaste sur notre environnement.
Depuis juin 2024, la compagnie aérienne Amelia utilise une technologie développée par Thales pour ses vols entre Paris et Valladolid. Cette innovation permet d'éviter les zones atmosphériques humides et froides, responsables des traînées de condensation. Ces dernières, formées de vapeur d’eau et de suie gelées, retiennent la chaleur du soleil et contribuent au réchauffement climatique.
Cette expérimentation, bien que prometteuse, soulève des questions. En effet, l'industrie aéronautique reste réticente face aux incertitudes scientifiques. Les traînées de condensation représentent une part significative des émissions de CO2, et leur impact est souvent sous-estimé.
Le transport aérien est responsable de 2 à 3 % des émissions mondiales de CO2. Cependant, si l'on considère les effets hors CO2, ce chiffre peut atteindre jusqu'à 5 %. Julien Lopez, chef de projet chez Thales, souligne l'importance de cette problématique dans le cadre de la transition écologique.
Selon l’ONG Transport & Environnement (T&E), il est crucial de modifier légèrement les trajectoires de certains vols. Cela permettrait de passer au-dessus ou en dessous des masses d'air problématiques. Adrien Chabot, directeur du développement durable chez Amelia, estime que ce changement pourrait avoir un bénéfice climatique immédiat.
Éviter une traînée par vol permet de ne pas générer 4 tonnes d’équivalent de CO2. Cependant, cela entraîne une augmentation de la consommation de fioul de 2,4 %. Thales considère ce surcoût comme « très raisonnable ». Adrien Chabot insiste sur la nécessité d'un modèle de prédiction fiable pour optimiser cette approche.
Malgré ces avancées, certains chercheurs estiment qu'il manque des données pour évaluer pleinement le bénéfice de l'évitement des traînées. Philippe Novelli, directeur des projets environnement d’Onera, souligne les incertitudes liées à la modélisation des effets des traînées sur le climat.
Pour Jérôme du Boucher, auteur de l'étude de T&E, l'initiative d'Amelia et Thales est un pas positif. Cela permet d'identifier les blocages opérationnels qui pourraient freiner les avancées. Il déplore néanmoins que le sujet ne soit pas pris au sérieux en France, malgré l'intérêt croissant des acteurs de l'aéronautique.
Baptiste Voillequin, vice-président de la commission de recherche et développement du Gifas, considère l'expérimentation d'Amelia comme « excellente » et « bienvenue ». Il promet de partager les progrès réalisés lors du prochain salon Le Bourget.
Outre les traînées de condensation, plusieurs pistes sont explorées pour réduire la pollution aérienne. L'avion à hydrogène est une option, bien qu'Airbus ait récemment annoncé un retard potentiel de cinq à dix ans pour son entrée en service. L'ONG ICCT estime que l'hydrogène pourrait contribuer à la décarbonation de l'aviation à hauteur de 6 % à 12 % d'ici 2050.
Une autre voie prometteuse concerne les nouveaux carburants pour remplacer le kérosène fossile. Cependant, les biocarburants coûtent actuellement 2 à 5 fois plus cher que le kérosène, ce qui pourrait renchérir le prix des billets d'avion.
L'initiative d'Amelia et Thales représente une avancée significative dans la lutte contre les émissions polluantes du secteur aérien. Bien que des incertitudes persistent, les efforts pour réduire l'impact environnemental des vols sont essentiels. L'avenir de l'aviation devra s'appuyer sur des innovations et des recherches continues pour garantir un transport aérien durable.