Ngũgĩ wa Thiong'o, un titan de la littérature africaine moderne, est décédé à l'âge de 87 ans. Son parcours littéraire a duré près de six décennies, durant lesquelles il a documenté la transformation de son pays, le Kenya, d'un sujet colonial à une démocratie. Ngũgĩ a défié les entraves de l'emprisonnement, de l'exil et de la maladie, laissant derrière lui un héritage littéraire inestimable.
Ngũgĩ, né James Thiong’o Ngũgĩ en 1938, a grandi à Limuru, dans une famille d'agriculteurs à faible revenu. Ses parents ont économisé pour lui permettre d'étudier à Alliance, une école dirigée par des missionnaires britanniques. Lors d'un retour chez lui, il a découvert que son village avait été rasé par les autorités coloniales.
Sa famille a souffert des conséquences de la répression contre le mouvement Mau Mau, une lutte pour l'indépendance. En 1959, alors que les tensions coloniales augmentaient, Ngũgĩ a quitté le pays pour étudier à l'Université Makerere en Ouganda, l'une des universités les plus prestigieuses d'Afrique.
Lors d'une conférence à Makerere, Ngũgĩ a partagé son manuscrit avec l'écrivain nigérian Chinua Achebe. Le livre, intitulé Weep Not, Child, a été publié en 1964 et a reçu un accueil critique favorable. Il s'agissait du premier roman majeur en anglais écrit par un Est-Africain.
Ngũgĩ a ensuite publié deux autres romans, A Grain of Wheat et The River Between, qui ont renforcé sa réputation. En 1972, le journal britannique Times l’a reconnu comme l'un des meilleurs écrivains contemporains d'Afrique.
En 1977, Ngũgĩ a changé son nom pour Ngũgĩ wa Thiong'o, rejetant son nom de naissance. Il a décidé d'écrire uniquement dans sa langue maternelle, le Kikuyu, marquant un changement radical dans sa carrière. Son dernier roman en anglais, Petals of Blood, critiquait les nouveaux dirigeants du Kenya, les présentant comme une élite ayant trahi le peuple.
La même année, il a coécrit la pièce Ngaahika Ndeenda, qui a été interdite par le gouvernement. Ngũgĩ a été emprisonné pendant un an sans procès, période durant laquelle il a écrit son premier roman en Kikuyu, Devil on the Cross, en utilisant du papier toilette comme support d'écriture.
Après sa libération, Ngũgĩ a vécu en exil au Royaume-Uni et aux États-Unis pendant 22 ans. À son retour au Kenya, il a été accueilli en héros, mais son retour a été assombri par une attaque violente chez lui. Ngũgĩ a toujours considéré cet incident comme un acte politique.
Dans les années qui ont suivi, il a enseigné dans plusieurs universités américaines tout en devenant un fervent défenseur de la littérature écrite dans les langues africaines. Il a souvent remis en question l'usage des langues coloniales dans la littérature.
Ngũgĩ wa Thiong'o laisse derrière lui un héritage immense. Sa lutte pour la littérature en langues africaines a inspiré de nombreux écrivains. Malgré les défis de la maladie, il a continué à écrire et à enseigner jusqu'à la fin de sa vie.
Sa disparition laisse un vide dans le monde littéraire africain, mais son impact continuera d'influencer les générations futures. Ngũgĩ wa Thiong'o restera à jamais une lumière de la littérature africaine.