
À Sarrey, dans la Haute-Marne, Gabriel Binon se trouve dans une situation désespérée. Face à la parcelle où, il y a une semaine, vingt-huit moutons paissaient, il se sent désemparé. « Je n’ai plus rien à surveiller maintenant. Je vais prêter ma caméra à un autre agriculteur du village pour qu’il soit rassuré », explique cet éleveur ovin d’une trentaine d’années.
La nuit de Noël a été tragique pour Gabriel, qui a perdu la quasi-totalité de son troupeau. Dix-neuf de ses brebis ont été tuées et cinq autres euthanasiées après une attaque de loup. « Jamais je n’aurais pensé subir ça », souffle-t-il avec amertume.
Le 25 décembre, vers 5 heures du matin, le prédateur a pénétré sur la parcelle, malgré une clôture grillagée et électrifiée. « Notre clôture mesure 1,20 m de haut. On suppose qu’il s’est appuyé sur un tas de branches à l’extérieur pour passer par-dessus. Il profite de la moindre brèche », précise Gabriel.
Bien que sa caméra ait détecté les mouvements du loup, il était déjà trop tard. « Il a tué tout ce qui bougeait. Chaque brebis a eu quatre coups de croc à la gorge. Elles sont toutes mortes d’hémorragie interne. Ce sont de grosses pertes pour nous », se désespère-t-il, en compagnie de son père.
Quatre moutons ont survécu à l’attaque, mais ils sont terrorisés et doivent être abrités dans la bergerie la nuit. « Ce sont des animaux qui n’aiment pas être enfermés. On va renforcer la clôture avec un grillage comme dans les prisons », explique Gabriel. Cette attaque est la plus importante attribuée au loup en 2025 dans ce département.
La préfecture rapporte qu’à ce jour, il y a eu 808 victimes attribuées au loup, avec 191 attaques depuis le début de l’année dans la même zone. En comparaison, il n’y avait que dix attaques en 2024. Cela met en lumière l’augmentation alarmante des attaques de loups dans le département.
Il est désormais acté qu’une meute de loups est constituée et sédentarisée dans le secteur. Les services de l’État ont officialisé la naissance de cinq louveteaux au printemps dernier, marquant la première reproduction en plaine en France depuis trente ans. Face à cette réalité, quinze éleveurs ont reçu une autorisation préfectorale pour effectuer des tirs de défense.
Suite à l'attaque de Noël, une brigade d’intervention de l’Office français de la biodiversité (OFB) est arrivée à Sarrey pour effectuer des rondes de nuit. « Ce sont deux agents formés à ces tirs spécifiques, présents en cas de dommages significatifs », détaille Vincent Montibert, le chef de service de l’OFB de Haute-Marne.
La ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a annoncé sa visite en Haute-Marne en début d’année. Certains éleveurs, dont Gabriel Binon, réclament des tirs de prélèvement pour réduire la meute. « Nous voulons qu’elle vienne voir sur place, ici sur notre parcelle. Et nous voulons un dialogue constructif avec elle, et sans conflit », conclut Gabriel.
La situation à Sarrey met en lumière les défis auxquels font face les éleveurs ovins face à la prédation des loups. Les attaques récentes soulignent la nécessité d'une réponse adaptée et d'un dialogue entre les éleveurs et les autorités pour protéger les troupeaux tout en préservant la biodiversité.