Il existe des films qui, en réalité, ne souhaitent pas vraiment l'être. Ou ils le sont par leur vocation obsessive de devenir autre chose, comme la matière même qui les compose. Aún estoy aquí est un film qui ne traite pas seulement de la mémoire, mais de mémoire elle-même.
La préposition est essentielle. La mémoire habite le film dans son sens le plus plein, radical et, si l'on veut, politique. Le matériel qui soutient l'œuvre est constitué des souvenirs d'un homme laissés à la femme qu'il a aimée.
Cette mémoire est imprégnée de l'élément inflammable qu'est l'amour. Le réalisateur tisse une œuvre qui devient, en effet, autre chose. C'est une mémoire, mais aussi un manifeste, un programme de survie et un témoignage nécessaire.
Le réalisateur, connu pour son icône Estação Central du Brésil, revient à la direction après une décennie, suite à l'adaptation ratée de Sur la route de Kerouac. Il propose un travail délicat, vivant et brillant de reconnaissance.
Ce film raconte l'histoire d'un homme disparu durant la dictature militaire, que la droite extrême brésilienne nie et excuse aujourd'hui. En 1971, Marcelo Rubens Paiva a été arrêté, torturé et assassiné.
Salles se place aux côtés de sa femme Eunice, sans s'attarder sur un dramatisme excessif. Le film dépeint la force d'une femme qui doit avaler son haine et avancer. C'est une œuvre claire, orthodoxe et lucide, témoignant de l'indignation et de la douleur.
Contrairement à de nombreux films traitant de ce sujet en Argentine, au Chili ou au Brésil, la force de Aún estoy aquí réside dans sa capacité à ne pas céder à la nécessité de crier face aux événements relatés.
La narration se concentre sur le travail de la protagoniste, interprétée avec une clarté indéniable par la nominée aux Oscars, Fernanda Torres. Elle lutte pour que le gouvernement reconnaisse la mort de son mari.
Cette lutte désespérée est aussi illuminée par l'espoir. C'est le combat d'une mère qui refuse de se taire, s'engageant à offrir un avenir à ses cinq enfants. Il ne s'agit pas seulement de réclamer justice, mais aussi d'apporter honnêteté et espoir.
La mémoire, comme rappelé au début, est capricieuse, tout comme les oubliés. Machado, par exemple, ne se souvenait que de l'émotion des choses. "Et j'oublie tout le reste", ajoutait-il, conscient de chaque lacune de sa mémoire.
Aún estoy aquí est un film, mais avant tout, c'est une mémoire vivante. Cette œuvre nous rappelle que le souvenir est une manière de rendre présent ce qui a été perdu.