
Quarante ans les séparent, mais un combat les réunit : celui contre l'agro-industrie. Nina, 33 ans, et Hervé, 73 ans, font partie des 12 militants du collectif Bretagne contre les fermes usines, jugés par le tribunal de Lorient ce lundi 15 décembre.
Le 19 mars 2022, avec une cinquantaine d'activistes en combinaison blanche, ils avaient bloqué un train à Saint-Gérand (Morbihan) livrant des céréales à l'usine Saint-Jacques Aliment, appartenant à la coopérative Le Gouessant. Une fois la locomotive et les 22 wagons à l'arrêt, ils avaient érigé un mur symbolique en parpaings sur les voies.
Ils avaient ensuite déversé au sol une partie du blé tendre destiné à la fabrication d'aliments pour le bétail. À ce moment-là, la guerre en Ukraine pesait sur l'approvisionnement en céréales, et l'opération avait suscité des réactions vives de certains syndicats agricoles et de nombreux élus.
Aujourd'hui, les 12 militants, dont la majorité sans casier judiciaire, sont poursuivis pour « entrave à la mise en marche ou à la circulation de trains » et d'autres infractions. Ils encourent jusqu'à 2 ans de prison et 30 000 euros d'amende.
Plus de trois ans après les faits, Nina et Hervé ne regrettent rien « sauf de devoir en arriver là ». Hervé, ancien travailleur social, souligne que « la Bretagne est une zone sinistrée avec énormément d'installations industrielles agricoles, à rebours de l'image idyllique véhiculée pour les touristes ».
Hervé n'en est pas à son premier coup d'éclat. Il a été condamné en 2008 pour délit d'offense au chef de l'État après avoir brandi une pancarte provocante lors d'une visite de Nicolas Sarkozy. Il a été réhabilité par la Cour européenne des droits de l'homme, qui a jugé que la France avait violé sa liberté d'expression.
Quatre mois plus tard, le délit d'offense au chef de l'État était abrogé. Nina, petite-fille d'agriculteurs, estime qu'il était « nécessaire de recourir à la désobéissance civile afin d'exposer les dérives de l'agro-industrie au niveau national ».
Le collectif entend faire de ce procès celui de l'agro-industrie et de ses conséquences désastreuses : pollution de l'eau, pesticides, algues vertes... L'avocat des militants, Me Bouquet-Elkaïm, alerte sur une « dérive répressive contre les défenseurs de l'environnement ».
Selon lui, « ce sont des faits qui n’auraient jamais donné lieu il y a dix ans à des poursuites ». Contactés, ni la coopérative Le Gouessant, ni l'entreprise Sanders, n'ont souhaité s'exprimer avant le procès.
Ce procès met en lumière un combat essentiel pour l'environnement et soulève des questions sur la répression des actions militantes. Nina et Hervé, à travers leur engagement, illustrent les défis auxquels font face ceux qui luttent contre l'agro-industrie.