Le 2 février 2022, la Commission Européenne a présenté sa proposition sur la taxonomie verte, marquant un tournant dans le débat énergétique. À cette époque, le monde était encore sous l'influence de la pandémie, et les prix de l'énergie avaient déjà commencé à grimper. Cependant, l'invasion de l'Ukraine par la Russie n'avait pas encore eu lieu, ce qui aurait des répercussions profondes sur les choix énergétiques des pays européens.
Face à cette proposition, trois postures principales ont émergé. D'un côté, la France soutenait l'énergie nucléaire, tandis que l'Allemagne et d'autres pays favorisaient le gaz naturel. En revanche, l'Espagne menait le bloc des opposants à cette taxonomie. Depuis l'approbation de la taxonomie en juillet, le débat s'est recentré sur un choix binaire : nucléaire oui ou non.
Actuellement, l'Allemagne a changé de cap et soutient l'énergie nucléaire, comme l'indique le Financial Times. Ignacio Araluce, président de Foro Nuclear, souligne que ce changement est lié à la fermeture totale des centrales nucléaires en Allemagne. Ce pays, qui avait misé sur le gaz, a dû revoir sa stratégie après la réduction des livraisons de gaz russe, allant jusqu'à retarder la fermeture de ses centrales.
Ce retournement de situation a des conséquences géopolitiques significatives. Julio Guinea, professeur de droit à l'Université Européenne, explique que l'activation de l'axe franco-allemand dans un domaine aussi délicat que l'énergie représente un véritable tournant stratégique. Cela pourrait influencer non seulement la sécurité énergétique, mais aussi la compétitivité industrielle de l'Europe.
Un des enjeux principaux est la production d'hydrogène, considéré comme un vecteur clé de décarbonisation. Ce dernier peut être produit par électrolyse, et si l'électricité utilisée est renouvelable, il est qualifié de vert. En revanche, s'il provient de l'énergie nucléaire, il est désigné comme rose. Cette distinction a des implications importantes sur le marché énergétique, car les centrales nucléaires offrent une production constante contrairement aux sources renouvelables.
Plusieurs pays européens, face à la crise énergétique, ont modifié leurs politiques. Par exemple, le Parlement belge a décidé de renoncer à son plan de fermeture des centrales nucléaires, initialement prévu pour 2025. Les Pays-Bas ont également prolongé la durée de vie de leur unique réacteur. Même le Danemark, traditionnellement opposé à l'énergie nucléaire, envisage la construction de nouveaux réacteurs.
Cette évolution souligne une volonté de renforcer la souveraineté énergétique en Europe. Toutefois, cela soulève des questions sur la capacité collective à agir face aux défis énergétiques continentaux. L'isolement énergétique de certains pays, comme l'Espagne, pourrait limiter leur influence sur les décisions stratégiques.
Concernant l'Espagne, elle se trouve dans une situation délicate. Bien qu'elle ait réussi à développer ses capacités renouvelables, elle souffre d'une déconnexion structurelle avec le reste de l'Europe. Actuellement, la connexion avec la France ne représente que 3 % de sa capacité de production, alors qu'elle devrait atteindre 10 % d'ici 2030.
Ce manque de connectivité réduit l'influence de l'Espagne dans les discussions sur l'avenir énergétique de l'Europe. Selon Guinea, il est crucial que l'Espagne ne renonce pas à son modèle renouvelable tout en participant activement aux débats sur la taxonomie et l'innovation technologique.
La dynamique actuelle autour de l'énergie nucléaire et des énergies renouvelables en Europe révèle des transformations profondes dans le paysage énergétique. Alors que les pays adaptent leurs politiques face aux crises, l'Espagne doit naviguer habilement pour maintenir son rôle tout en renforçant ses interconnexions. L'avenir énergétique de l'Europe dépendra de la capacité des États à travailler ensemble, au-delà de leurs intérêts nationaux.