Dans toutes les cultures humaines, le parricide est considéré comme l'un des crimes les plus odieux. Depuis l'Antiquité, il a été utilisé comme un élément dramatique et symbolise une rébellion sociale ainsi qu'une dégradation morale dépassant tous les codes établis. Ce thème tragique est au cœur de la nouvelle roman de Leonardo Padura, intitulée Morir en la arena.
Ce roman s'articule autour d'un meurtre, catalyseur de l'intrigue, qui reflète une réalité cubaine en décomposition. Padura, originaire de La Havane, tisse habilement ce drame dans le cadre plus large d'une société en crise permanente. Il confie que ses idées pour écrire émergent de la réalité et de la mémoire, et que le phénomène du parricide l'a inspiré à explorer la vie de sa génération.
Il explique que chaque acte de parricide a une connotation psychologique forte. Les écrivains, par exemple, commettent souvent un parricide symbolique en s'éloignant de leurs prédécesseurs. "Tuer le père est presque une nécessité de réaffirmation", déclare Padura, soulignant la complexité des implications lorsqu'il s'agit d'un acte physique.
Dans Morir en la arena, le retour d'Eugenio Bermúdez, après 30 ans de prison, bouleverse la vie de son frère Rodolfo, un homme marqué par une expérience traumatique en Angola. La redécouverte de l'amour entre Rodolfo et sa femme Nora, qui se sont aimés en secret, souligne les thèmes de la rédemption et du pardon. Le livre évoque également la mélancolie d'un passé perdu et d'un avenir incertain.
Padura aborde la crise actuelle à Cuba, où le coût de la vie a explosé. Il souligne que les retraités, autrefois capables de vivre de leur pension, peinent désormais à joindre les deux bouts. "La réalité cubaine est devenue plus acide et plus cruelle chaque année", explique-t-il, illustrant les défis auxquels sont confrontés les personnages de son roman.
Un autre thème central de l'œuvre est la peur. La peur de la mort, de la vérité et de la liberté imprègne la vie des personnages. Cette peur pousse à l'autocensure, marquant le développement de la culture et de la littérature cubaines. Padura note que la société se réfère au pouvoir comme "les de haut", témoignant d'un climat de silence et de soumission.
Il évoque également les répressions qui ont suivi les manifestations récentes, où des jeunes ont été sévèrement punis. "Ce climat de peur a façonné la société", conclut Padura, soulignant la difficulté de s'exprimer librement dans un environnement hostile.
La question de l'émigration est cruciale dans le roman. Avec 10% de la population cubaine ayant émigré récemment, Padura souligne l'impact des politiques restrictives des États-Unis. Les Cubains, autrefois attirés par la loi de l'ajustement, se tournent maintenant vers des solutions individuelles pour résoudre leurs problèmes existentiels.
Il ironise sur la nécessité de prouver des liens familiaux pour obtenir la citoyenneté espagnole, un reflet des désespoirs actuels. "C'est douloureux de voir comment un projet de bien-être collectif s'est transformé en un sauve-qui-peut", déclare-t-il, tout en reconnaissant la résilience des Cubains face à l'adversité.
Leonardo Padura, dans Morir en la arena, parvient à capturer la complexité de la condition humaine à Cuba. Malgré les défis, il souligne la capacité des gens à vivre et à aimer dans des circonstances difficiles. "La résilience est une réalité", conclut-il, témoignant de l'espoir au milieu de la crise. Ce roman est un puissant reflet de la lutte d'une génération face à un avenir incertain.