Pour comprendre les élections présidentielles qui se tiennent aujourd'hui en Roumanie, il est essentiel de se tourner vers le passé. L'analyste Cristian Pirvulescu soutient que l'essor du populisme local s'explique par un mélange complexe de nostalgie pour le fascisme et le communisme. Ce phénomène est en grande partie lié au discours anti-soviétique prononcé par Nicolae Ceaușescu en 1968.
Ce jour-là, devant des milliers de personnes, Ceaușescu a défié Moscou, qualifiant l'invasion soviétique de "vergogne". Des années plus tard, il a même tenté de réhabiliter Ion Antonescu, le dictateur ayant collaboré avec Hitler. Adina Marincea, chercheuse à l'Institut Elie Wiesel, explique que le nationalisme d'Antonescu a facilité le retour du fascisme après 1989.
Ceaușescu a imposé un national-communisme qui a laissé des traces durables. Par exemple, il a été le seul pays communiste à interdire l'avortement, entraînant la mort de milliers de femmes. Cette idéologie a été manipulée et assimilée au souverainisme défendu par des figures comme Călin Georgescu.
Le désenchantement du peuple roumain a ouvert la voie à des personnalités radicales comme Georgescu, qui a gagné le premier tour des élections présidentielles l'année dernière. Son rival, George Simion, leader de l'Alliance pour l'Unification de la Roumanie (AUR), est désormais favori dans les sondages. Ce climat de frustration a permis à des organisations d'extrême droite de prospérer.
Ces groupes, héritiers des légionnaires fascistes, continuent de revendiquer leur héritage. Ils organisent des cérémonies pour commémorer des figures historiques, comme Valeriu Gafencu, tout en utilisant les réseaux sociaux pour diffuser leur idéologie. Leurs actions sont souvent marquées par des références à des figures comme Emil Cioran.
Le mouvement ultranationaliste bénéficie également du soutien de certains membres de l'Église orthodoxe roumaine. Des lieux comme le monastère de Petru Vodă servent de plateformes pour la réhabilitation de ces idées. Le moine Teodot a même décrit les légionnaires comme une création divine, illustrant ainsi le lien entre religion et nationalisme.
En février 2025, l'Église a canonisé des clercs ayant des liens avec les légionnaires, suscitant l'indignation des organisations juives. Le politologue Cătălin Raiu souligne que, bien que le Patriarche ait rejeté d'autres noms pour leur passé fasciste, certains religieux continuent d'agir en faveur des néo-légionnaires.
La normalisation des idées extrêmes s'est accompagnée d'une détérioration de la démocratie en Roumanie. Selon l'indice de démocratie de The Economist, le pays est désormais classé comme un "régime hybride". La confiance du public envers les institutions politiques est en chute libre, avec seulement 17,4% des Roumains faisant confiance au Parlement.
Les jeunes, en particulier, ressentent un fort désir de changement, avec 41% d'entre eux exprimant le besoin d'une dictature. Cristian Pirvulescu affirme que la pandémie a exacerbé cette situation, avec une forte réticence à la vaccination et une montée du populisme.
En somme, la Roumanie est à un tournant critique. Les tendances populistes et extrémistes gagnent du terrain, renforcées par un contexte de frustration sociale et de soutien religieux. Les élections présidentielles pourraient bien être un révélateur de l'état actuel de la démocratie roumaine. La lutte pour l'avenir du pays est loin d'être terminée.