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« Je ne compte plus le nombre de blagues sur ma couleur de peau ou mes cheveux » : le difficile signalement du racisme à l’université

Publié le : 13 février 2025

Introduction

Le racisme à l'université est un sujet préoccupant, souvent sous-estimé. Une étudiante en droit, Naïma, soulève une question cruciale : pourquoi l'université serait-elle épargnée par le racisme et d'autres formes de discrimination? La récente suspension d'un enseignant à l'université Panthéon Sorbonne met en lumière cette problématique. Malgré la mise en place de dispositifs de signalement, le racisme demeure le motif le moins rapporté.

Les chiffres alarmants du racisme à l'université

Une étude du collectif Acadiscri révèle que seulement 12,5 % des étudiants victimes de discriminations signalent ces actes. En comparaison, le sexisme est légèrement plus signalé avec 14,5 %. À l'université de Lorraine, les signalements sont rares : « 2 ou 3 par an », indique Pascal Tisserant, vice-président en charge de l'égalité et de la diversité. Ces chiffres, selon Mouhammad Benussi Thioune de l'Unef, ne reflètent pas la réalité du racisme à l'université.

Aissa, étudiante en médecine, témoigne de nombreuses blagues racistes. Elle explique que ces propos sont souvent déguisés en humour, rendant la réaction difficile. Lin, étudiante franco-japonaise, partage une expérience similaire, où des blagues sur son ami japonais ont été banalisées. Malgré ses réactions, elle n'a jamais signalé ces incidents.

Les obstacles à la dénonciation du racisme

Géraldine Bozec, sociologue, souligne que le racisme est souvent minimisé. Il se manifeste de manière implicite et moins visible que d'autres discriminations. Certaines personnes racisées hésitent à qualifier leurs expériences de racisme. Souleymane, étudiant ivoirien, évoque son sentiment d'exclusion sans savoir s'il s'agit de racisme. L'étude Acadiscri montre que les étudiants perçus comme noirs, indiens ou arabes sont les plus touchés par le racisme.

Les étudiants étrangers ressentent également une forte discrimination. Yamina Meziani, sociologue, explique que la barrière de la langue et le décalage culturel exacerbent leur sentiment d'isolement. Ce contexte rend la situation encore plus délicate pour ceux qui viennent étudier en France.

Racisme institutionnel et manque de confiance

Le racisme ne provient pas seulement des étudiants. Ahmed raconte une expérience marquante avec un enseignant qui a tenu des propos déplacés. Bien qu'encouragé par ses amis à signaler l'incident, il a refusé, craignant des répercussions sur sa sélection en master. Aude Stheneur, directrice de la CEPD, souligne qu'un tel racisme émanant de l'institution entraîne une perte de confiance envers celle-ci.

Les femmes musulmanes portant le foulard subissent également des discriminations. Géraldine Bozec note que 26 % des déclarations de traitements racistes graves proviennent d'étudiants musulmans. Naïma partage son expérience de soupçons de tricherie lors des examens, ce qui illustre les préjugés persistants au sein des institutions.

Une prise de conscience nécessaire

Malgré ces défis, Aude Stheneur observe une évolution dans la prise de conscience des universités concernant le racisme. Cependant, ce problème reste souvent le « parent pauvre » des politiques de lutte contre les inégalités. Les dispositifs de signalement sont principalement axés sur les violences sexistes et sexuelles, laissant de côté d'autres formes de discrimination.

Lin, en réfléchissant à signaler son enseignant, ne savait pas vers qui se tourner. Pascal Tisserant admet que les universités doivent faire un effort d'information sur les procédures de signalement. En 2022, l'université de Bordeaux a élargi son dispositif, entraînant une augmentation des signalements, mais cela reste insuffisant pour répondre aux besoins des victimes.

Conclusion

Le racisme à l'université est un problème complexe et souvent sous-reporté. Les témoignages d'étudiants mettent en évidence des discriminations à la fois visibles et implicites. Pour améliorer la situation, il est essentiel que les institutions prennent des mesures concrètes et qu'elles soient exemplaires dans la gestion des discriminations. Le chemin est encore long, mais la prise de conscience est un premier pas vers le changement.

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