Une nouvelle proposition de loi au Congrès colombien vise à interdire la vente de marchandises célébrant l'ancien baron de la drogue, Pablo Escobar. Les opinions divergent quant à cette initiative. Ce projet de loi pourrait marquer un tournant dans la manière dont le pays aborde son passé tumultueux.
Le 27 novembre 1989, Gonzalo Rojas était à l'école à Bogotá lorsqu'il a reçu une nouvelle dévastatrice. Son père, également nommé Gonzalo, avait perdu la vie dans un accident d'avion. "C'était un jour très triste", se souvient-il. L'explosion à bord du vol Avianca 203 a coûté la vie à 107 personnes, victime d'un attentat orchestré par Escobar.
Bien que cette époque de guerres de la drogue et de violence soit en grande partie derrière elle, l'héritage d'Escobar persiste. Son nom est devenu emblématique, souvent associé à des souvenirs, livres et productions télévisuelles, comme la série Netflix Narcos.
La loi proposée interdirait la vente de marchandises liées à Escobar et à d'autres criminels. Cela pourrait mettre fin à la glorification d'un homme responsable de milliers de meurtres. "Ces questions difficiles ne peuvent pas être réduites à un simple T-shirt", déclare Juan Sebastián Gómez, membre du Congrès.
Les vendeurs de souvenirs craignent que cette loi nuise à leurs moyens de subsistance. Joana Montoya, qui tient un stand à Medellín, affirme que les produits liés à Escobar représentent une part importante de ses ventes. "Cela aide à payer nos factures et à nourrir nos enfants", souligne-t-elle.
Si le projet de loi est adopté, il y aura une période de transition pour permettre aux vendeurs de s'adapter. Gómez insiste sur le fait que la Colombie a bien plus à offrir que l'image d'Escobar. Il souhaite que le pays se concentre sur des récits positifs et enrichissants.
Les T-shirts vendus à bas prix, portant des slogans liés à Escobar, soulèvent des questions éthiques. María Suarez, assistante de vente, estime que ces souvenirs ne devraient pas exister. "Nous avons besoin de cette interdiction", affirme-t-elle, mal à l'aise avec la vente de ces articles.
Des années après la mort de son père, Rojas se souvient de lui comme d'un homme aimant et responsable. Pour lui, cette loi représente un moment décisif. "C'est un jalon pour réfléchir à la commercialisation de l'image d'Escobar", explique-t-il.
Rojas critique toutefois le manque d'accent sur l'éducation dans le projet. Il estime qu'il est crucial de transmettre aux nouvelles générations une image négative des chefs de cartel. Il a même lancé un site web pour redéfinir cette image, attirant des millions de visites.
Le projet de loi devra passer par plusieurs étapes avant d'être adopté. Gómez espère qu'il engendrera une conversation nationale sur l'héritage d'Escobar. "En Allemagne, on ne vend pas de T-shirts de Hitler", rappelle-t-il, soulignant l'importance de cette discussion.
Le maire de Medellín soutient également le projet, le qualifiant d'insulte envers la ville et ses victimes. Ce débat n'est pas seulement une question de souvenirs, mais d'honorer les victimes et de reconnaître la douleur persistante qu'elles ressentent.
La proposition de loi visant à interdire la vente de souvenirs liés à Pablo Escobar soulève des questions complexes sur la mémoire et l'identité nationale en Colombie. Alors que certains voient cela comme une opportunité de tourner la page, d'autres craignent pour leur avenir. Ce débat est essentiel pour construire un avenir sans glorification des criminels.