Deux ans après l'obligation pour les grandes entreprises de disposer d'un canal de dénonciation anonyme, la polémique persiste. Ce nouvel anniversaire coïncide avec un cas de corruption impliquant une entreprise de construction. Cette situation met à l'épreuve ces canaux, conçus pour protéger les dénonciateurs au sein des entreprises.
Selon une analyse d'EL MUNDO, en 2024, les entreprises du Ibex ont reçu 16.433 dénonciations. Ce chiffre représente une augmentation de 70 % par rapport à l'année précédente. Cependant, la majorité des dénonciations ne concernent pas des fraudes ou des soupçons de corruption, mais plutôt des problèmes liés au domaine professionnel.
Dans les entreprises qui précisent la nature des plaintes, la corruption est souvent traitée comme un cas anecdotique, davantage lié à des vols au sein de l'entreprise. Silvia Bauzá, responsable de la pratique de Droit du Travail chez EY Abogados, souligne que les canaux de dénonciation ne sont pas spécifiquement destinés à un type de plainte.
La confusion autour de l'utilisation des canaux éthiques est fréquente. Selon Bauzá, il est logique d'avoir un canal unique, qui est ensuite dirigé vers les équipes appropriées. Cette abondance de plaintes n'est donc pas nécessairement un indicateur fiable de l'état interne d'une entreprise.
Les entreprises ont l'obligation de promouvoir la connaissance de ces canaux. La plupart d'entre elles organisent des formations, ce qui entraîne souvent une augmentation des dénonciations. "Il est essentiel que les travailleurs soient informés de cette politique", ajoute Bauzá.
Un changement notable est l'augmentation des dénonciations concernant le code éthique. Berta Viqueira, experte en compliance, indique que les plaintes portent souvent sur le non-respect de la déconnexion numérique. Cela montre une évolution des mentalités au sein des entreprises espagnoles.
De plus, il y a une tendance à externaliser l'enquête sur ces plaintes à des conseillers externes. Cela est particulièrement vrai lorsque les plaintes concernent des dirigeants. Viqueira souligne que l'implication des ressources humaines peut créer une inquiétude parmi les employés.
Bien que la loi ait eu un impact positif, elle engendre également des conflits pratiques pour les entreprises. Par exemple, la loi du "seulement oui c'est oui" rend les entreprises responsables des comportements de harcèlement. Cela pourrait entraîner des complications juridiques pour les entreprises qui estiment qu'il n'y a pas eu de harcèlement.
Au niveau du travail, Bauzá met en avant que l'anonymat des personnes impliquées dans l'enquête peut poser des problèmes lors de licenciements. "Il est difficile de concilier l'anonymat total avec la nécessité de fournir des détails lors d'un licenciement", conclut-elle.
Les deux ans d'existence des canaux de dénonciation anonymes révèlent des tendances et des défis importants. Bien que ces canaux soient essentiels pour signaler des comportements inappropriés, leur utilisation soulève des questions juridiques et pratiques. Les entreprises doivent naviguer avec prudence pour garantir un environnement de travail sûr et conforme.