Le sens même de toute forme d'art réside probablement dans l'ouverture de chemins vers une réalité différente. Il ne s'agit pas tant de détruire la réalité que de créer de nouveaux codes qui dépassent les limites du langage. Alain Guiraudie, en tant qu'élève de Buñuel, sait cela et son cinéma se présente comme un mystère étrange, à la fois quotidien et reconnaissable.
Le cinéma de Guiraudie est un réalisme parfait, semblant banal à première vue. Pourtant, au fur et à mesure que ses histoires se déroulent, elles se transforment en un énigme à la fois lointaine et familière. Cette dualité crée une expérience cinématographique captivante, oscillant entre le connu et l'inconnu.
Chaque scène devient un exercice de funambulisme cinématographique, où les dangers se cachent sous la surface. Dans "Misericordia", le film prend l'apparence d'un thriller rural, apprécié par les parisiens, tout en explorant des thèmes plus sombres et complexes.
Le protagoniste revient dans son village</strong} natal pour le funérailles de son ancien patron, possiblement son amant. La nostalgie ou un sentiment plus troublant l'incite à rester, sans qu'il comprenne vraiment pourquoi. Les motivations des personnages, tout comme leurs rêves, semblent souffler au gré du vent.
Rapidement, il développe une relation plus profonde avec la veuve, qui refuse de laisser partir son compagnon, même dans un autre corps. La disparition mystérieuse de son fils transforme la situation initialement suspecte en quelque chose d'insupportable.
Au cœur de l'intrigue se trouvent un prêtre amoureux et un crime à cacher, qui devient aussi un péché à pardonner. Le désir, transfiguré par la mort, plane sur cette narration sombre. Ce mélange de simplicité et de complexité fait de "Misericordia" un film fascinant.
La mise en scène désordonnée de Guiraudie évoque le hasard et les rencontres fortuites. Les personnages évoluent dans un cadre presque mythique, un forêt qui change devant les yeux du spectateur, créant une ambiance à la fois familière et dérangeante.
La narration défie le regard du spectateur, que ce soit à travers les scènes de sexe ou les dialogues absurdes. La question du désir se pose : peut-il justifier des actes aussi cruels ? "Misericordia" se présente comme un fascinant voyage à travers les limites des réalités les plus évidentes.
Ce film soulève des questions profondes sur la nature du désir et de la vengence. Les personnages sont entraînés dans un tourbillon d'émotions et de secrets, rendant l'expérience cinématographique encore plus captivante.
En somme, "Misericordia" est un exemple éclatant de la capacité de l'art à créer de nouvelles formes de réalité. Avec une direction d'Alain Guiraudie et une distribution talentueuse, le film nous invite à réfléchir sur des thèmes universels. À travers sa durée de 102 minutes, il nous entraîne dans un monde où le désir et la réalité s'entrelacent de manière troublante.